đ Le billet d’Asha BottĂ©eđ
Au cĆur de la nuit

De la gare dâAusterlitz Ă la place de Clichy Paris nâĂ©tait que dĂ©solation.
CâĂ©tait un taxi et non un Uber, alors je ne connais pas son nom. Lui non plus ne connaĂźt pas le mien dâailleurs. VoilĂ qui devient rare.
Quand jâai embarquĂ©, le taximan qui attendait derriĂšre lui dans la file a applaudi. Avec le narcissisme qui me caractĂ©rise, je me suis dit quâil fĂ©licitait son collĂšgue et concurrent pour avoir embarquĂ© une charmante jeune femme (si si) Ă lâair de gitane (je suis toujours chargĂ©e comme un baudet quand je rentre de vacances, en rĂ©alitĂ© je ressemble davantage Ă une mendiante rom, mais un peu dâĂ©rotomanie du quotidien ne fait de mal Ă personne surtout par les temps qui courent). Ces mignonnes fĂ©licitations entre coqs roulants eussent Ă©tĂ© possibles, mais seulement monde dâavantâŠ
Or nous étions en octobre 2020, et le reconfinement avait été déclaré.
Une fois Ă bord, il mâa expliquĂ©. Quâen huit-neuf ans dâasphalte jungle câĂ©tait la premiĂšre fois quâil nâavait fait quâune seule course de la journĂ©e, Ă savoir moi. VoilĂ trois heures quâil attendait dans cette file, du cĂŽtĂ© de la place de Clichy. DâoĂč les applaudissements de son collĂšgue. VoilĂ ce Ă quoi avaient conduit les errements nĂ©o-libĂ©raux de ceux de lĂ -haut. LâHĂŽpital qui suffoquait, les gens enfermĂ©s, les petits commerces qui crevaient, pendant quâAmazon triomphait.
Il était comme sidéré.
On sâest dit que monde semblait ĂȘtre devenu fou.
On sâest dit que ça allait pĂ©ter, parce que bientĂŽt il nây aurait plus de billets pleuvant, façon feu dâartifice, pour Ă©teindre les braises. Parce que bientĂŽt de plus en plus de gens allaient avoir faim. Ou froid. Ou les deux.
Showman roulant, il mâa fait rire en me racontant les couillons qui, DE NOUVEAU, avaient fait deux heures de queue pour des stocks de papier cul. « Les gens sont cons, mais cons ! », mâa-t-il dit. CâĂ©tait peut-ĂȘtre ça, le problĂšme ? Nous Ă©tions arrivĂ©s. Il mâa aidĂ© Ă sortir ma valise du coffre, on sâest regardĂ©s, yeux-par-dessus-masque, et on sâest dit : « Bon courage. Prenez soin de vous ». Du fond du cĆur.
Asha Bottée / 31/10/2020
Asha bottĂ©e : Elle nous rejoins au JDP est nous en sommes fier puis elle nous fera un billet de temps Ă autres. Asha est Indienne de sang et d’Ăąme, parisienne de cĆur, française d’esprit, Ă©cologiste, fĂ©ministe de la mouvance humaniste, Asha rĂ©flĂ©chit, Ă©crit, et finit toujours pas danser. đ

« Parce que Nietzche, bordel ! plutĂŽt que le tout-Ă©conomie «Â